Mission intégrale : le concept et son application

Mission intégrale : le concept et son application

D’où vient l’expression « mission intégrale » ? Quels en sont les enjeux et les caractéristiques ? Quel est le lien avec le Réseau Michée ?

Les 12 et 13 février 2016, la FMEF (Fédération de Missions Évangéliques Francophones) et l'ASAH (Association au Service de l'Action Humanitaire) ont organisé un forum sous le titre « Être, Dire et Faire : Les enjeux de la mission intégrale pour Églises et œuvres chrétiennes ». Une preuve de plus que la mission intégrale est un concept fédérateur, capable de rassembler autour d’une même vision les organismes axés sur l’évangélisation et le développement des Églises d’une part, et les organismes consacrés à l’aide humanitaire et l’action sociale d’autre part. En effet, le concept de mission intégrale gagne du terrain, de sorte qu’il est en train de devenir le nouveau mot clé, pour ne pas dire le nouveau paradigme pour l’action missionnaire, en tout cas dans le monde évangélique.

Dans cet article, nous allons nous concentrer sur ce concept. D’où vient l’expression mission intégrale ? Quels en sont les enjeux et les caractéristiques ? Quel est le lien avec le Réseau Michée et sa campagne, le Défi Michée ? Enfin, nous relevons quelques points par rapport à sa mise en œuvre. La question est de savoir ce que l’on entend par intégral, et son application. Quel est le lien entre l’Église locale et les différentes composantes de l’action missionnaire ?

Arrière-plan
Aujourd’hui, il est communément admis que la mission de l’Église dans le monde ne se réduit pas à annoncer l’Évangile et à implanter des Églises. Au cours des dernières décennies, plusieurs concepts ont été proposés pour désigner une vision plus globale et un champ plus large : « mission holistique », « développement chrétien », ou encore « évangélisation et transformation ». L’articulation de ces termes a fait couler beaucoup d’encre. Force est de constater qu’aujourd’hui le débat n’a pas encore cessé. La discussion se concentre souvent sur la question de la priorité (ou non) de la proclamation explicite de l’Évangile. Les évangéliques ont toujours été soucieux de placer l’appel à la conversion au Christ au centre de la mission. Dans le sillage de la fameuse Déclaration de Lausanne de 1974, les leaders d’opinion dans le monde évangélique ont été nombreux à dire que l’Évangile doit être proclamé et démontré par des œuvres répondant à des besoins concrets des personnes qui souffrent, des pauvres et des populations marginalisées. De ce point de vue, l’appel à se tourner vers Dieu doit se doubler d’un appel à la justice sociale.

En dépit de ce discours holistique en salles de conférence et en séminaires théologiques, un changement profond sur le terrain se faisait encore attendre, en ce qui concerne l’intégration de la parole et de l’action. La mission-évangélisation et les projets d’entraide avaient tendance même à se spécialiser, chacun dans son domaine, chacun avec ses objectifs spécifiques.

C’est dans ce contexte que des leaders missionnaires d’Amérique latine n’avaient de cesse de poser la question : qu’en est-il de la relation entre évangélisation et action sociale dans la pratique ? Comment intégrer les deux ? Dans les années 1980, les théologiens rassemblés dans l’Association théologique latino-américaine (FTL, son sigle espagnol), ont introduit un nouveau terme, misión integrante en espagnol, afin de se démarquer des conceptions de la mission chrétienne basée sur une dichotomie entre évangélisation et responsabilité sociale – une dichotomie considérée comme étant d’origine occidentale.

Le mot espagnol integrante désigne l’intégralité. C’est bien là l’enjeu. Aller plus loin qu’une simple mise en parallèle des œuvres d’annonce et des œuvres humanitaires, mais chercher à les faire fonctionner la main dans la main. Mettre en avant la dimension évangélisatrice de l’action sociale, et la dimension sociale et culturelle de l’annonce de l’Évangile. Les conséquences sociales de l’Évangile sont à intégrer dans la pratique de la mission et de l’Église locale. La transformation personnelle doit s’accompagner d’une transformation des structures dans la société. Le spirituel et le matériel vont ensemble.
La FTL a organisé plusieurs congrès sur l’évangélisation connus sous le sigle CLADE (Consejo LAtinoamericano De Evangelización), qui furent d’une grande importance pour le développement de la théologie de la mission intégrale. Ce concept fut introduit lors du deuxième congrès CLADE, à Lima en 1979, et élaboré lors de congrès suivants : CLADE III à Quito, en 1992, et CLADE IV à Quito, en 2000.

Le concept de mission intégrale a depuis gagné en popularité dans les groupes évangéliques de tous les autres continents du monde.

L’enjeu pratique
Pourquoi un nouveau terme quand il revient, en fait, au même que le terme mission holistique ? Pieter Boersema, spécialiste en matière d’entraide chrétienne dans les pays en voie de développement, capte bien les mobiles pratiques :

« Les missiologues de la mission intégrale ont décidé d’introduire un nouveau terme afin de créer une alternative acceptable à d’autres termes qui ont fait l’objet d’interminables discussions sur le fond, tout en négligeant leur mise en œuvre sur le terrain(1). »

Autrement dit, l’objectif est de passer de la réflexion à l’action. Une autre raison pour laquelle on a choisi le nouveau terme intégral était la volonté de dépasser la séparation entre la propagation de l’Évangile, et les projets dans le cadre du diaconat mondial et de l’aide au développement.

Vinoth Ramachandra, théologien indien et secrétaire régional de l’IFES (International Fellowship of Evangelical Students (mouvement international d’étudiants évangéliques)), est l’un de ceux qui mettent en cause la pratique qui distingue les projets type évangélisation et des projets d’ordre sociopolitique.

 

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Publié dans "Les Cahiers de l'Ecole Pastorale" cahier n° 100 - 1er trimestre 2016


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Type
Page web
Auteur
Van de Poll, Evert
Editeur
Croire Publications
Parution
2016